Image corporelle et estime de soi chez les adolescents : effets d’un programme en milieu scolaire
Le programme québécois « Bien dans sa tête, bien dans sa peau » a pour objectif la promotion d’une image corporelle positive et l’adoption de saines habitudes de vie liées à la santé et au bien-être.
L’organisme Equilibre le propose depuis plus d’une vingtaine d’années dans les écoles et organismes du Québec. Un projet de recherche a été mis en place pour analyser les effets de ce programme, notamment sur la satisfaction corporelle et ses déterminants. Une évaluation riche d’enseignements et inspirante pour celleux qui souhaiteraient travailler ces dimensions en milieu scolaire.
Préoccupation excessive à l’égard du poids
Au Québec, la moitié des jeunes du secondaire vit une insatisfaction à l’égard de son apparence. Cette insatisfaction peut mener à certains comportements problématiques tels que les tentatives de contrôle, de perte ou de gain de poids qui peuvent mettre en danger la santé physique et psychologique des personnes. Plusieurs études font le lien entre insatisfaction corporelle et des phénomènes négatifs, tels que l’intimidation vécue à l’école, une faible perception de ses capacités interpersonnelles et d’autres déterminants d’adaptation psychologique comme une plus faible estime de soi, la présence d’anxiété, des symptômes dépressifs, une perception négative de son état de santé et le développement de troubles alimentaires comme l’anorexie ou la boulimie.
Cette préoccupation excessive à l’égard du poids est présente dès le plus jeune âge. Compte tenu de sa prévalence élevée, l’organisme Equilibre a donc décidé de développer un programme de prévention et de réduction des problèmes liés à l’image corporelle, en visant précisément les adolescents dans les milieux scolaires.
Le programme « Bien dans sa tête, bien dans sa peau »
« Le programme d’intervention en milieu scolaire BTBP d’ÉquiLibre vise le développement d’attitudes et de comportements sains par rapport au poids et au corps, à l’alimentation et à l’activité physique, en plus de promouvoir l’estime de soi et le respect des autres, quel que soit leur format corporel. Le programme est constitué de différents ateliers sur des thèmes tels que la saine alimentation, le poids naturel, ainsi que l’acceptation et la valorisation de soi. »
Evaluation de 5 ateliers
Dans le cadre de l’évaluation de ce programme, cinq ateliers d’une durée de soixante minutes, présentés par les infirmières scolaires, ont été choisis par l’équipe de recherche (la méthodologie complète est à retrouver sur l’évaluation) :
- Atelier 1 : « Parlons-nous trop de poids? »
Cet atelier a pour but la prise de conscience non seulement de l’importance accordée au poids dans notre société, mais également de la fréquence quotidienne des commentaires exprimés sur le sujet et des conséquences négatives qu’ils peuvent avoir sur son propre poids et celui d’autrui. Après
avoir assisté à cet atelier, les élèves devraient être en mesure de réaliser la place de ces commentaires dans leurs conversations, d’approfondir leur réflexion sur les conséquences que les commentaires entraînent et de sensibiliser leur entourage à l’importance de les éviter. - Atelier 2 : « À chacun sa silhouette! »
Ce deuxième atelier cible l’acceptation des changements qui surviennent l’adolescence sur le plan corporel ainsi que la constatation de la diversité naturelle de silhouettes qui se trouve dans la population. À la suite de cette présentation, les élèves devraient pouvoir cibler les changements
physiologiques qui se produisent normalement lors de la puberté, nommer les facteurs influençant le poids des gens et reconnaitre la grande variété de physionomies. - Atelier 3 : « Beauté à tout prix »
Cet atelier est orienté vers la prise de conscience de l’influence de la mode, des médias et de la publicité sur les idéaux de beauté qui sont propagés dans la société. Les élèves devraient par la suite reconnaître que les modèles de beauté actuels ont un caractère artificiel et illusoire, en plus de réfléchir à leur propre interprétation de la beauté à l’aide d’outils. - Atelier 4 : « Branché sur mes signaux de faim et de satiété! »
L’intention pédagogique associée à cet atelier est centrée sur le développement de stratégies permettant la reconnaissance des signaux de faim et de satiété en fonction de ses propres besoins et de son niveau d’activité physique. Les élèves devraient ensuite, par l’utilisation de trucs
concrets, reconnaître ces signaux et en distinguer les indices internes et externes. - Atelier 5 : « Ton image et les réseaux sociaux : sois critique envers la critique! »
Ce dernier atelier permet aux élèves de stimuler leur sens critique quant aux contenus publiés sur les réseaux sociaux, qu’ils soient visuels ou écrits, afin de favoriser une bonne estime de soi. Les élèves, par la suite, devraient être en mesure d’interagir sur les réseaux sociaux de manière à éviter de nuire à leur propre bien-être ou à celui d’autrui, et de reconnaître les effets positifs et négatifs des réseaux sociaux sur leur humeur et sur leur estime de soi. Ils devraient également pouvoir utiliser un outil qui les aidera à se questionner sur ce qu’ils publient afin de faire un meilleur usage des réseaux sociaux et, ainsi, préserver leur estime personnelle.
Synthèse des résultats
D’après l’étude, « les résultats obtenus témoignent de l’efficacité du programme à l’égard de certains indicateurs (par exemple l’estime de soi, les connaissances générales, l’influence des médias, etc.). L’objectif principal de la présentation de ces ateliers était non seulement de permettre aux jeunes de développer une image corporelle positive, mais également de les amener à changer de comportements afin d’adopter de saines habitudes de vie favorisant leur santé et leur bien-être. Bien que ces dernières cibles visant un changement de comportements n’ont pas été entièrement atteintes, il est important de noter qu’aucun effet négatif n’a été observé chez les jeunes ayant été exposés au programme d’intervention. Ces résultats sont d’autant plus intéressants que les deux groupes d’exposition étaient similaires quasi en tout point au départ, c’est-à-dire avant toute forme d’intervention. »
La discussion est à retrouver ici
Conclusion de l’étude
« Un des éléments essentiels à retenir est que les ateliers n’ont rapporté aucun effet négatif. S’ajoute à cela que les effets positifs, même s’ils demeurent somme toute modestes, sont quand même observés sur plusieurs indicateurs, et ce, après seulement une exposition à un maximum de cinq heures d’atelier. De fait, un meilleur niveau de connaissances a été observé, une amélioration du niveau d’estime de soi global, une tendance à une meilleure satisfaction à l’égard de son apparence, une plus faible sensibilité à l’influence des médias ainsi qu’une tendance à une perception moins négative à l’égard des personnes obèses sont tous des éléments positifs
observés. Par ailleurs, même des changements de comportements se sont produits : plus faible probabilité d’avoir tenté de gagner du poids et plus faible manipulation de photos partagées en ligne pour les filles, et ce, après seulement cinq ateliers. Imaginons les effets que pourrait avoir une plus forte intensité du nombre d’heures d’ateliers et une exposition continue à une sensibilisation à l’égard de ces thématiques, combinées à des actions structurantes dans l’ensemble des contextes dans lesquels vivent les jeunes (famille, école, société, etc.)!
Les effets observés montrent hors de tout doute qu’il est important de parler de ces sujets avec les jeunes. Il serait par ailleurs même important d’en parler de façon encore plus préventive. En effet, dès la 1re année du secondaire, les jeunes sont arrivés avec des a priori importants, et ce, tant sur le plan de l’estime de soi que sur celui de l’insatisfaction à l’égard de l’image corporelle. Si une sensibilisation était effectuée encore plus tôt, nous pourrions croire que les effets pourraient être encore plus grands et nombreux. ÉquiLibre propose déjà des ateliers destinés aux jeunes du primaire. Nous n’avons pas évalué ceux-ci dans le cadre de la présente enquête. Il pourrait être
intéressant de comparer, lors de leur arrivée au secondaire, les jeunes ayant été exposés à ces thématiques dès le primaire.
La présente évaluation servira ainsi à trouver des pistes de solutions pour améliorer le programme d’intervention BTBP. Un travail subséquent de réflexion sera mis en branle afin d’identifier les éléments à améliorer, à ajouter et à retirer des ateliers. Par ce travail de réflexion alliant expertise
terrain et expertise scientifique, les effets du programme BTBP ne pourront qu’en être améliorés. »
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Date de modification : 24 avril 2025