Remue ménage dans le grignotage : entretien avec Sophie Cardinal et Régine Brument

Entretien avec Sophie Cardinal, infirmière puéricultrice et coordinatrice des actions d’éducation thérapeutique au sein du RéPPOP Bourgogne Franche Comté, et Régine Brument, diététicienne et co-coordinatrice du RéPPOP LyRRA. Elles font toutes deux partie du groupe de travail en éducation thérapeutique du patient, mené par l’APOP et la CN RéPPOP. Ce groupe de travail national élabore régulièrement des ressources pour outiller les professionnel·les et ainsi les aider à mieux accompagner les familles. Le dernier en date concerne le grignotage.

Cet entretien est à retrouver en audio et en intégralité sur le podcast Banco.

Souvent on considère que le grignotage ne peut être que l’affaire des gros, alors que tout le monde grignote, les minces grignotent aussi.

Régine Brument

Sophie Cardinal, pourquoi avoir choisi de travailler sur cette thématique ?

SC : Tout simplement parce qu’on sait que le grignotage c’est fréquent et c’est banalisé. C’est souvent aussi un sujet conflictuel au sein des familles. Notre groupe de travail est composé de différentes professions : pédiatres, APA c’est-à-dire professeurs en activité physique adaptée, psychologues, diététiciens, infirmière puéricultrice. Nous sommes de différentes régions et nous sommes tous formés à l’éducation thérapeutique du patient, ce qui nous a permis d’avoir une réflexion sur ce sujet en ayant pour but d’améliorer les pratiques des professionnels et d’aider les familles à trouver des alternatives bien sûr à ces grignotages. 

Régine Brument, qu’est-ce que le grignotage ? Existe-t-il une définition ?

RB : C’est un peu compliqué parce qu’il existe plusieurs définitions du grignotage. Notre groupe de travail a justement planché sur ces différentes définitions pour essayer d’en trouver une qui soit la plus adaptée, la plus complète possible, par rapport aux pratiques actuelles. En particulier, les boissons ne sont pas souvent prises en compte. Or, beaucoup d’enfants boivent des boissons sucrées en dehors des repas : soda, jus de fruits… La définition que nous proposons est donc “consommer un aliment ou une boisson autre que de l’eau en dehors des trois repas et du goûter”.

Quelles sont les idées reçues à propos du grignotage, chez les familles mais aussi chez les professionnel·les ?

RB : Je crois malheureusement que les idées reçues et les préjugés ne manquent pas. Souvent on considère que le grignotage ne peut être que l’affaire des gros, alors que tout le monde grignote, les minces grignotent aussi. Qui n’a jamais craqué pour un petit morceau de chocolat ou mis ses mains dans un paquet de chips pour se faire plaisir ou pour un petit réconfort ? Malheureusement on est beaucoup moins indulgent avec les enfants en surpoids. Au sein même d’une famille, les parents vont avoir tendance à interdire les grignotages à l’enfant en surpoids alors qu’ils autorisent à ses frères et soeurs. On peut vite imaginer à quel point ça peut être difficile à vivre pour l’enfant qui est en surpoids. 

Une autre idée reçue c’est le fait qu’il y aurait des bons produits ou des mauvais produits de grignotage. Or, si on grignote un fruit ou un laitage par exemple, ça reste du grignotage. Même s’ils sont peu gras ou peu sucré, c’est un apport qui est supplémentaire, qui va s’ajouter à l’apport du repas. 

On sait aussi que ça dérègle les mécanismes de l’appétit. On ne va plus vraiment parvenir à ressentir la satiété et finalement on sait plus trop quand on mange, quand on boit, si c’est parce que l’on a faim ou soif, ou si c’est pour une autre raison comme l’envie par exemple.

SC : Concernant les croyances qu’on peut avoir sur le grignotage, je demande souvent lors de mes formations : “Pour vous, si vous rencontrez un enfant en surpoids dans la rue qui est en train de grignoter, quelles sont vos premières pensées ?“ Généralement je ne demande pas la réponse et je demande ça à des professionnels de santé. Je trouve ça très intéressant et on peut tous se poser cette question.

Pour vous, si vous rencontrez un enfant en surpoids dans la rue qui est en train de grignoter, quelles sont vos premières pensees ?

Sophie Cardinal

Qu’est-ce qui influence le grignotage ? Quelles sont les situations à repérer ?

RB : Il y a beaucoup de facteurs qui sont à repérer, d’où l’intérêt justement de cet outil qui va nous permettre de les repérer. Ce qui influence le grignotage, ça peut-être tout simplement l’envie, qui est nourrie par les publicités par exemple, mais aussi le besoin de se faire plaisir. Juste le fait d’être devant un écran, un peu comme au cinéma où on va avoir tendance à mettre sa main dans un pot de pop-corn. Le fait que d’autres personnes dans la famille ou les copains mangent devant l’enfant, ça peut effectivement générer des envies. 

Il y a d’autres facteurs, comme le fait de s’ennuyer. Les enfants nous disent souvent “Je grignote parce que je m’ennuie, parce que je me sens seul”. Ca peut être la faim. Parfois les repas ne sont pas assez consistants ou ils ont été consommés trop vite, ce qui peut effectivement générer des grignotages. 

Et puis il y a les états émotionnels : le fait d’être content mais aussi le mal-être, comme l’angoisse, la tristesse, le stress. C’est pour ça aussi que l’outil est intéressant parce qu’il va nous permettre justement de repérer ces situations de mal être. Il permet aussi à l’enfant d’exprimer ce ressenti quand il grignote, est-ce qu’il se sent plutôt apaisé ou au contraire est-ce qu’il a plutôt un sentiment de culpabilité. C’est ce repérage qui peut nous amener à nous interroger sur le besoin d’un suivi psychologique chez l’enfant par exemple.

Comment aborder la question du grignotage ?

SC : On va y aller par étape. C’est ce que cet outil va nous permettre de faire, que ce soit avec l’enfant mais aussi avec son ou ses parents. On va essayer de prendre aussi en compte tout l’environnement familial. Ce qui va beaucoup nous aider c’est la posture en éducation thérapeutique qui va éviter de culpabiliser la famille et l’enfant et puis d’aborder le grignotage en toute sérénité. Mais avant d’aborder le grignotage, il va falloir avoir un rapport de confiance avec l’enfant, l’adolescent et ses parents. Cet outil va nous permettre d’y aller par étape et donc, comme disait Régine, déjà de définir ce qu’est le grignotage.

Présentez-nous cette mallette pédagogique “Remue ménage dans le grignotage” : de quoi est-elle composée ? A qui s’adresse-t-elle ?

SC : Cette mallette s’adresse à l’enfant ou l’adolescent et sa famille. A l’intérieur il y a une BD qu’on va utiliser pour avoir une certaine distanciation, et aussi repérer et pouvoir laisser l’enfant s’exprimer sur ces situations de grignotage, avant de pouvoir échanger en pratique sur ses grignotages. Ensuite il y a un plateau de jeu qui va permettre d’appréhender l’impact du grignotage familial sur celui de l’enfant. Il va permettre de prendre conscience du regard que l’enfant a sur son grignotage et bien sûr aussi celui des différents membres de sa famille, et il va permettre aussi à l’enfant à s’autoriser à parler de son grignotage à ses parents. En troisième partie, nous avons un plateau pour aider l’enfant et sa famille à trouver des alternatives aux grignotages et ceci en repérant dans un premier temps les situations qui favorisent le plus de grignotage, en analysant le ressenti de l’enfant lorsqu’il grignote et puis en identifiant bien sûr les stratégies qu’il pourrait mettre en place et les aides qu’il va pouvoir avoir de ses parents, de sa famille, pour mettre en place ses stratégies. C’est vraiment un outil complet et c’est pour ça qu’on dit qu’on va y aller étape par étape.

Pour commander la mallette pédagogique « Remue ménage dans le grignotage », au prix de 40€, envoyez un mail à apop-obesite@orange.fr . Le bon de commande est disponible ici.

Cet outil a pu être développé grâce au soutien de la Fondation Princesse Grace et la CN RéPPOP / APOP.

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