Les pertubateurs endocriniens : entretien avec le Pr Nicolas Chevalier

Perturbateurs endocriniens, bisphénol A, pesticides, pollution atmosphérique… quels liens avec le développement d’une obésité ? Faut-il vraiment s’en préoccuper ? Comment accompagner les familles sur ce sujet ?

Le Pr Nicolas Chevalier, médecin endocrinoloque au CHU de Nice, appelle les professionnel·les à s’informer sur les pertubateurs endocriniens et polluants, facteurs de risque encore trop souvent sous-estimés.

Cet entretien est à retrouver en audio et en intégralité sur le podcast BANCO.

On ne peut plus dire maintenant qu’il n’y a pas de rôle de cette pollution dans la genèse de l’obésité.

Pr Nicolas Chevalier

Qu’est ce qu’un perturbateur endocrinien ? Où est ce qu’on les trouve ?

La définition de perturbateurs endocriniens finalement est très complexe. Il y a une première définition qui a été établie par les scientifiques et qui a été ensuite modifiée par l’OMS. Et comme vous le savez, au niveau de la Communauté européenne, on a eu beaucoup de mal à faire valider une définition stricte. Mais globalement, pour bien comprendre ce qu’est un perturbateur endocrinien, c’est une molécule qui n’appartient pas à notre organisme, donc exogène à notre organisme, qui va être capable de soit faire la même action qu’une de nos hormones endogènes, soit au contraire bloquer l’action de cette hormone endogène, et donc soit de saturer un système qui fonctionne déjà ou bien au contraire bloquer son fonctionnement habituel. Et donc possiblement cela va pouvoir entraîner un effet néfaste pour l’individu qui est exposé ou bien pour sa descendance. Dans la définition de perturbateur endocrinien, il y a cette relation entre la structure et les effets néfastes observés dans la population. On ne peut pas juste avoir la structure sans effets néfastes, ça ne serait pas un perturbateur endocrinien.

Où on les trouve ? Alors si j’ai envie de déprimer tous nos auditeurs, en fait on baigne dans une soupe de perturbateurs endocriniens au quotidien puisque globalement tout ce qui nous entoure a plus ou moins une activité de perturbateurs endocriniens. Comme vous l’avez dit, celui qui a probablement le plus fait parler de lui, c’est le bisphénol A, qu’on a retrouvé de manière massive dans les plastiques et dans certaines résines notamment, qui a été utilisée au niveau médical ou dentaire.

Et puis, il y a tout un tas d’autres molécules. On a l’habitude de les séparer grosso modo en deux grandes familles, avec des sous-familles. Ces deux grandes familles, ce sont ceux qui sont dits non persistants, qui ne vont à priori pas se stocker dans l’organisme. C’est le cas du bisphénol A, des phtalates, qui sont également des plastifiants longtemps utilisés dans la fabrication des jouets. Et puis, a contrario, on a des molécules qui sont dites persistantes, qui vont être capables de se stocker dans le tissu adipeux puisqu’elles ont une structure stéroïdienne extrêmement lipophile. Et ces molécules typiquement, ce sont tous les insecticides. Le chef de file, c’est bien entendu le DDT qui est très largement connu. Mais tous les organochlorés vont avoir le même effet. On a tout ce qui est PCB, polybromés. Et puis il y a les retardateurs de flamme comme les perfluorés qui vont également être utilisés dans les revêtements culinaires, notamment cette fameuse poêle antiadhésive qu’on utilise tous, et qui sont recouverts de perfluorés. Mais on les trouve également dans certains vêtements pour limiter la transpiration.

Est ce qu’il y a un lien avec l’obésité et par quels mécanismes ?

On n’est pas allé regarder l’obésité tout de suite dans les perturbateurs endocriniens. Si on remonte l’histoire, en fait, ça a commencé principalement sur des anomalies du tractus génital et ce sont ces anomalies qui ont donné l’alerte aux scientifiques. Elles ont été bien connues des pédiatres et des gynécologues. Et puis, en déroulant, je dirais, l’histoire des perturbateurs endocriniens, on s’est rendu compte qu’ils étaient capables d’induire d’autres pathologies.

Les deux grandes pathologies en ligne de mire actuellement, c’est le diabète et l’obésité. Alors pourquoi on s’est intéressé à ces pathologies métaboliques ? Comme je vous l’ai dit, un certain nombre de molécules sont capables de se stocker dans le tissu adipeux. Et on sait maintenant que le tissu adipeux, ce n’est pas un tissu inerte, c’est un tissu endocrine propre qui sécrète notamment des adipokines, mais également des hormones. Et donc, les chercheurs se sont dit que si ces molécules qui avaient une activité stéroïdienne ou en tout cas qui ressemblaient à des stéroïdes endogènes, étaient capables de rentrer dans les adipocytes, elles étaient également capables, en tout cas, de perturber le fonctionnement des adipocytes. Et effectivement, les travaux in vitro ont montré des anomalies, notamment dans la voie de signalisation PPAR, qui est une voie de signalisation extrêmement importante dans la différenciation adipocytaire. Et puis, chez les rongeurs, l’exposition de rongeurs à des doses chroniques de certains polluants était capable d’induire une obésité indépendamment de la prise calorique. Donc, à prise calorique égale, on avait vraiment un développement du tissu adipeux. C’est ça qui a donné l’alerte. Plusieurs modèles animaux ont été construits, et une fois qu’on a eu ces modèles animaux, on est allé voir ce qui se passait au niveau épidémiologique, dans l’espèce humaine. Et on s’est rendu compte qu’effectivement, on avait des signaux qui nous montraient que les populations les plus exposées aux polluants étaient celles dans lesquelles on retrouvait la plus grande incidence d’obésité et de diabète. Alors certains épidémiologistes ont tout de suite dit « Non, ce n’est pas vraiment une relation de cause à effet. Il y a probablement un facteur de confusion », parce que dans ces populations qui étaient souvent plus précaires que les autres, on a vu une alimentation qui était de moins bonne qualité, et vous savez que ça joue énormément dans le déterminisme de l’obésité. Donc, ils ont dit « Finalement, c’est cette alimentation et pas les polluants ». Et il a fallu attendre les travaux de Leo Trasande et de Juliette Legler qui ont modélisé à partir des données de caisses d’assurance maladie à travers l’Europe, l’incidence et la prévalence de l’obésité ou du diabète de type 2 et les zones d’exposition aux polluants, et ils ont montré que, globalement, l’exposition annuelle au bisphénol A était responsable d’environ 40 000 cas d’obésité infantile et peu ou prou à la même quantité de diabète de type 2 à l’âge adulte, avec des coûts de santé qui étaient extrêmement élevés pour la Communauté Européenne. Et donc là, on avait des corrélations mathématiques extrêmement fortes et maintenant il est avéré que certaines molécules sont obésogènes ou diabétogènes.

A la question des mécanismes, j’ai évoqué cette voie de signalisation PPAR, mais il n’y a pas qu’elle qui est mise en jeu. Globalement, on sait qu’on va stimuler la différenciation adipocytaire et donc avoir plus de tissu adipeux qui va apparaître. On sait également que la fonction de l’adipocyte va être modifiée avec une modification de sécrétion de l’adipokine. On a un tissu adipeux qui va être plus volontiers inflammatoire, donc ce fameux tissu adipeux qui est nocif en fait au niveau métabolique, qui va faire apparaître une inflammation chronique et possiblement un diabète de type 2. Alors on est juste au sommet de l’iceberg et on en découvre tous les jours. Donc je pense que l’histoire mécaniste n’est pas totalement écrite. Voilà pour les grandes lignes.

Si on revient à ce que vous avez évoqué, de quantifier l’importance de ce déterminant, même si on sait que l’obésité résulte d’une intrication de multiples facteurs, on voit que ce n’est pas finalement si anecdotique. Il faut peut être s’en préoccuper davantage, en terme de prévention ?

Oui, ce n’est pas si anecdotique que ça, bien évidemment. Si on regarde la courbe de publications sur les obésogènes ou les diabétogènes depuis maintenant cinq ou six ans, on voit très bien dans Pubmed qu’il y a un boom de publications. Et ce qui est particulièrement frappant, c’est que cette préoccupation n’est pas juste celle des Etats-Unis ou de l’Europe, elle est de dire que, finalement, on a réglé tout le problème des maladies infectieuses, alors si on fait la parenthèse sur la pandémie covid, bien entendu, et de se dire on cherche des facteurs vraiment anecdotiques. Là on a vraiment des pays émergeants qui se préoccupent de ça et notamment on sait en Afrique qu’on a une population qui est exposée maintenant de plus en plus à une nutrition de moins bonne qualité, mais pour autant, ils vont aller très vite vers des courbes d’obésité et de diabète. Et donc, dans certains Etats, on sait également qu’ils sont extrêmement imprégnés en polluants notamment sur ces polluants persistants où en fait ils ont continué à être utilisés malgré une réglementation internationale drastique sur leur utilisation. Et puis, de la même façon, en Asie et notamment en Chine, on a beaucoup de travaux qui montrent une forte corrélation avec ces polluants, certains substituts du bisphénol également, puisque maintenant on sait que les substituts sont quasiment aussi dangereux que le bisphénol A lui-même. Et puis une autre donnée est rentrée. Il y a également la pollution atmosphérique, puisque la pollution atmosphérique probablement est un vecteur d’imprégnation de polluants via la respiration et donc possiblement la pollution pourrait jouer sur cette genèse de l’obésité. Donc je dirais que quand on voit ce boom de publications et que tous les pays s’en emparent, je crois qu’on ne peut plus dire maintenant qu’il n’y a pas de rôle de cette pollution dans la genèse de l’obésité.

Est ce qu’il y a des périodes de vie ou il faut être particulièrement vigilant à une exposition aux perturbateurs endocriniens ?

Globalement, ce qu’on recommande, parce que comme vous l’avez compris on n’a pas toutes les clés mécanistes, on n’a pas tous les liens de causalité, donc il est dur, ou en tout cas injustifié, de dire à la population aujourd’hui, il faut vivre dans une bulle totalement fermée sans vous exposer à plus rien du tout pour limiter votre courbe pondérale. Je crois qu’on n’a pas suffisamment d’arguments pour le dire aujourd’hui. Par contre, là où on a des arguments forts, c’est sur la période dite des 1000 premiers jours de vie, donc juste avant la conception, la grossesse et les deux ou trois années de développement de l’enfant. Pourquoi ? Parce qu’en fait c’est là où on a le plus d’arguments sur les modèles rongeurs où on a effectivement une transmission, lorsque la mère est exposée pendant la grossesse, des effets métaboliques, et donc on sait que lorsque la mère est plus exposée, elle peut possiblement développer plus de diabète gestationnel, mais également induire une différenciation du tissu adipocytaire chez le fœtus, donc de déterminer une voie d’orientation vers l’obésité. Et puis ce qu’on observe à la naissance chez ces rongeurs, c’est souvent un plus petit poids de naissance, avec un rattrapage extrêmement rapide de la courbe pondérale et une obésité qui survient très précocement, et c’est un peu ce parallèle avec ce rebond adipocytaire précoce qu’on voit notamment chez les enfants qui ont un retard de croissance in utero ou les prématurés. Ce catch up que les médecins et les pédiatres combattent extrêmement de manière drastique pour éviter cette obésité à long terme et donc ce parallèle qui est vu chez les rongeurs avec l’évolution qu’on connaît sur le tissu adipeux de l’enfant, nous fait dire en tout cas que cette période doit être extrêmement ciblée et que la mère doit être protégée et de fait, l’enfant qui vient de naître. Et puis, ce qu’on sait maintenant, c’est qu’on a également des effets dits transgénérationnels. Donc on peut avoir des effets sur la première génération, mais cette première génération peut elle-même transmettre les anomalies qu’elle a pu avoir à la descendance, même si elle n’est plus exposée à ces polluants. Du coup, il faut vraiment avoir une bulle de sécurité sur cette période des 1000 premiers jours.

Comment mettre en place cette bulle ? Comment limite-t-on l’exposition, est ce qu’il y a des gestes simples de tous les jours ? Faut-il manger bio ?

Limiter l’exposition, c’est toujours très compliqué, surtout quand on ne sait pas où se cachent les perturbateurs endocriniens et je dirais que c’est la problématique du grand public d’arriver à les reconnaître.

Alors oui, manger bio, on sait que ça limite la charge en perturbateurs endocriniens, en polluants de manière générale, ça a été prouvé dans la littérature et donc on sait qu’on peut limiter les effets à terme. Néanmoins, il faut faire attention puisque quand on dit bio, on a certains labels qui sont effectivement totalement bio avec une limitation de la charge en polluants. Il y en a d’autres qui n’ont pas les mêmes cahiers des charges. Il faut aussi apprendre à décrypter ce label bio. Néanmoins, la problématique de manger bio, ça coûte extrêmement cher pour le consommateur, beaucoup plus en tout cas que l’alimentation habituelle. Et déjà c’est compliqué pour un patient de manger équilibré donc si on rajoute la notion de bio, c’est encore plus compliqué pour lui au niveau financier.

Donc il y a d’autres moyens simples avant d’aller à « manger bio », il y a limiter tout ce qui est dit superflu dans le quotidien. Donc le superflu, par exemple, c’est tous les produits détergents sur leurs diverses formes. Quand on a les lingettes nettoyantes, alors qu’on peut nettoyer avec les bons produits de grand mère avec une éponge et de l’eau, c’est tout aussi bien que mettre plein de détergents divers et variés. Il y a tout ce qui est parfum d’ambiance, insecticides à outrance dans la maison. Et puis il y a bien laver et nettoyer ses légumes, par exemple, avant de manger bio, déjà bien les nettoyer, enlever la peau, on va limiter la charge en produits bio.

Il y a la cuisine également. Je vous ai dit tout à l’heure qu’un certain nombre de revêtements culinaires pouvaient être une source de polluants. Typiquement, lorsque les poêles anti-adhésives sont abîmées, il faut les remplacer parce qu’on peut se contaminer par ce biais-là. Et puis il y a tous les contenants plastiques qu’on a à la maison. Alors le contenant plastique, il ne faut pas le pestiférer puisqu’il a son utilité. Ça permet de conserver des denrées correctement. Là où il faut faire attention c’est de ne pas faire réchauffer dans un contenant plastique parce que lorsqu’on fait réchauffer, vous avez tous fait cette expérience, le plastique va se tordre, se déformer. Et donc en fait, c’est à ce moment là où toutes les molécules de polluants vont aller dans la nourriture qui est à l’intérieur du plastique et donc on va pouvoir se contaminer.

Alors ça, c’est pour limiter sa charge en polluants. Mais ça va de pair avec une vie quotidienne qui est correcte d’un point de vue écologique si je peux me permettre, parce que si on continue par exemple de fumer au quotidien, on peut nettoyer avec du bio, faire attention, en fait notre charge en polluants sera la même parce que dans la fumée de cigarette, on a un certain nombre de polluants dont on sait qu’ils ont un effet également sur, par exemple, l’obésité infantile, donc il faut à tout prix limiter le tabagisme actif et passif. Il faut bien aérer sa maison et utiliser le moins de produits cosmétiques possibles. Donc ça, c’est des gestes simples au quotidien.

Comme je vous l’ai dit, il faut pouvoir donner une information fiable à la population et donc repérer les perturbateurs endocriniens. Et c’était tout l’objectif de la Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens 2. Et donc, un étiquetage est prévu grâce à cette stratégie et donc devrait progressivement apparaître un logo comme celui qu’on connaît pour l’alcool pendant la grossesse, où il y aurait donc sur les denrées alimentaires, les produits cosmétiques et tout ce qui est produits grande distribution, un logo en mettant que possiblement à l’intérieur, on a des perturbateurs endocriniens, donc pour avertir le consommateur et donc justement limiter son imprégnation, notamment sur ces périodes de vie.

Et puis, quand on veut avoir une information beaucoup plus précise sur « qu’est ce que je dois changer », « dans quelle pièce de mon habitation je peux changer » ? Il faut aussi des sites sur lesquels se renseigner et donc on a un site qui est porté par un ministère de tutelle qui est le site 1 000 premiers jour de vie .fr . Et donc sur ce site, on retrouve en fait comment améliorer son environnement et comment limiter son exposition aux perturbateurs endocriniens. C’est un site qui est très ludique, il suffit de cliquer, on a des informations très précises pour s’y retrouver sans avoir une consommation financière trop importante en regard.

Les professionnels peuvent informer les familles sur ce nouveau logo et ce site. Est-ce qu’ils peuvent faire autre chose pour accompagner les familles sur ce sujet ?

Il faut qu’ils puissent avoir la bonne information. C’est souvent ce que je dis, en tant que professionnel, les perturbateurs endocriniens, on a l’habitude, soit on y croit, soit on y croit pas. Parce que c’est quelque chose qu’on a du mal à saisir. On n’a pas eu de formation pendant notre cursus médical, donc souvent on répond sur la défensive quand un patient nous pose la question, en disant bah « non, il y a des choses beaucoup plus graves. Ça, c’est un truc d’écolo, faites-le après, quand vous avez limité tout le reste ». Alors oui, bien sûr, comme je vous l’ai dit, il faut limiter tout le reste, on ne peut pas dire à quelqu’un qui est en situation d’obésité qu’il ne doit pas faire attention à son alimentation et, à contrario, limiter son exposition aux polluants. Bien évidemment, tout va de pair. Néanmoins, je crois que maintenant, en tant que professionnel·les, on a des outils à notre disposition qui sont très bien faits. Il faut savoir les chercher.

Alors je vais prêcher dans ma paroisse. L’URPS PACA a fait un très bon guide à destination des professionnel·les de santé, qui est là pour vulgariser ce qu’est un perturbateur endocrinien, où on les retrouve. Ils ont fait des fiches pratiques avec les grandes familles, les grands dangers possibles parce qu’il n’y a pas que l’obésité, on a un certain nombre de cancers hormono-dépendants qui sont également liés. Et puis, globalement, il y a un tableau ce que je dois faire, ce que je ne dois pas faire au quotidien et c’est sous forme assez schématique, on peut même les afficher dans la salle d’attente, il y a des flyers qui sont téléchargeables. Et puis il y a un guide pour le patient, avec de la même façon toutes les pièces de la maison, ce qu’on devrait faire, pas faire. C’est sous forme assez humoristique et je trouve que ça passe bien parce que finalement on n’est plus dans ce langage écolo bobo mais vraiment dans cet apprentissage de la santé publique qui dépasse finalement le regard purement professionnel de santé, mais qui est un combat, je dirais, citoyen. Et je crois qu’on a chacun une pierre à apporter à l’édifice pour vivre mieux, puisque ces polluants, il faut le savoir, il y a eu des scandales sanitaires, je ne vais pas revenir sur celui qui touche les Antilles et qui est dramatique, mais les polluants persistants, ceux qui sont le plus impliqués dans la genèse de l’obésité, ils ont une demi-vie extrêmement longue dans le tissu adipeux, parfois plus d’une dizaine d’années. Mais dans les sols, ils sont encore plus inertes et leur demi-vie peut dépasser 40 ou 50 ans. Donc on est exposés encore pendant très longtemps et je pense qu’il faut faire en sorte que nos descendants soient le moins exposés possibles parce que maintenant on a suffisamment d’arguments pour savoir que c’est dangereux.

Est-ce qu’il y a d’autres facteurs de risques environnementaux chimiques qui peuvent favoriser le développement d’une obésité ? Vous avez parlé du tabac et de la pollution de l’air ?

La liste, en fait, elle est extrêmement longue. Très récemment, j’ai participé à certains papiers qui ont été écrits par l’un des anciens directeurs du NIEHS, qui est Jerry Heindel, et qui a beaucoup travaillé sur ce côté obésogène et listé en tout cas des risques. Globalement, on a les métaux lourds qui peuvent être impliqués dans la genèse de l’obésité. Le tabac est un grand pourvoyeur, je vous l’ai dit et vous l’avez avait réévoqué. On sait que la nicotine est capable en tout cas de favoriser l’adipogenèse. Il y a d’autres constituants du tabac qui peuvent aussi générer cette adipogénèse. Globalement, tous les produits chimiques sont potentiellement impliqués dans cette genèse de l’obésité. Après, la problématique, c’est d’arriver à identifier la part respective de ces polluants. Parce que, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, on est exposé à une soupe de polluants. Et à ce jour, tous les travaux qui ont été faits in vitro ou in vivo, ont été ciblés sur une, deux, parfois quatre ou cinq molécules, mais pas plus, alors que quotidiennement, on est exposé à 200 molécules au minimum. Et donc, du coup, il est très difficile de faire la part des choses entre l’une et l’autre.

Donc je pense qu’on est vraiment juste au début de l’histoire. La partie reprotoxique des perturbateurs endocriniens, son début c’est 1960. On a commencé à les classifier en 1990 pour arriver à réglementer à la fin des années 2000. Les obésogènes, c’est les premiers travaux en 2005 à 2010. Donc je pense qu’on est qu’au début et qu’on va trouver encore beaucoup de choses et que notre vision, en tout cas de professionnel·les, ne va pas se limiter juste à l’activité physique, la sédentarité et une alimentation équilibrée, mais on va être vraiment dans une prise en charge globale, à essayer de tout limiter. Et je pense que ça fait écho à d’autres pathologies chroniques. On sait que l’asthme de l’enfant, il y a une part environnementale. On a beaucoup lié à la pollution, on sait qu’il n’y a pas que la pollution. Et maintenant on a déjà des conseillers en environnement qui se déplacent au domicile des patients pour arriver à voir tout ce qui se passe. Et je pense que très probablement, à terme, on aura la même chose pour la prise en charge de l’obésité.

Notre vision, en tout cas de professionnel·les, ne va pas se limiter juste à l’activité physique, la sédentarité et une alimentation équilibrée, mais on va être vraiment dans une prise en charge globale, à essayer de tout limiter.

Pr Nicolas Chevalier

Related Articles

Derniers articles