Faire aimer les fruits et les légumes aux enfants : entretien avec Sophie Nicklaus

Comment favoriser la consommation des fruits et légumes chez les enfants ? Quels conseils donner aux parents ? Comment les accompagner dans l’apprentissage des préférences alimentaires et la régulation de l’appétit de leur enfant ?
Sophie Nicklaus, chercheuse à l’INRAE, au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation à Dijon, travaille notamment sur les déterminants du comportement alimentaire au cours de la vie.

Cet entretien est à retrouver en audio et en intégralité sur le podcast BANCO.

« Un élément vraiment très important, c’est de favoriser chez l’enfant l’émergence de comportements alimentaires sains le plus tôt possible au cours du développement »

Sophie Nicklaus

Pourquoi, pour les enfants, mais aussi pour certains adultes, c’est si difficile de manger des fruits et des légumes ?

Sophie Nicklaus : Effectivement, on peut identifier un certain nombre de problèmes ou de difficultés qui sont spécifiques aux fruits et légumes, en particulier aux légumes, parce que les fruits sont sucrés, donc on a une petite différence par rapport aux légumes. Donc tout d’abord le goût, la texture, on va dire l’univers sensoriel, puisque un certain nombre de légumes peuvent avoir des saveurs ou des arômes assez marqués qui peuvent être déplaisants pour les enfants. Le deuxième point, c’est le fait que ces aliments apportent peu de calories. Ça ne les rend pas forcément très compétitifs par rapport à d’autres aliments. Mais c’est un avantage pour une diète où on cherche à finalement réguler la quantité de calories ingérées. En termes d’apprentissage, c’est plutôt un élément qui va jouer négativement. Ensuite, dans l’univers alimentaire dans lequel on vit, ce sont des aliments qui ne sont pas marketés, à la différence d’un certain nombre d’autres aliments qui sont proposés aux enfants. Et c’est souvent un des aliments qui génère des tensions éducatives parce que les parents, les éducateurs, sont très bien intentionnés, mais ont des pratiques qui parfois peuvent être contre productives. Donc tous ces éléments là font leur difficulté. Souvent, on peut avoir aussi un problème de compétition dans l’assiette avec d’autres aliments qui peuvent être plus appétents. Par exemple, si on met des haricots verts et des frites dans la même assiette, c’est clair que ça va être plus compliqué de faire manger des haricots verts aux enfants. Et puis, pour les adultes, on va dire qu’on peut avoir un problème de praticité parce que les légumes, en particulier ce sont des aliments qui nécessitent d’être cuisinés, donc il y a un petit, un petit effort à faire pour pouvoir en profiter.


De manière générale, comment nos goûts et nos préférences alimentaires se construisent-ils ?

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que dans l’univers des goûts et des préférences, quasiment tout est acquis, sous l’effet des apprentissages en lien avec les expériences alimentaires et sensorielles, et ce, très tôt dans le développement, dès les premières expériences alimentaires. Donc, l’enfant nait relativement vierge, on va dire, modulo le fait que des premières expériences olfactives peuvent marquer le liquide amniotique et introduire une première mémorisation sensorielle, des arômes, des aliments consommés par la mère pendant la grossesse. On va retrouver aussi ce phénomène pendant l’allaitement. Donc hormis ces éléments là, donc, l’enfant nait vierge de toute préférence donc il va apprendre à aimer tous les aliments de son répertoire alimentaire sous l’effet des expériences. Et tout ça va être possible en fonction de ses compétences sensori-motrices et de leur développement. D’un point de vue olfactif et gustatif, l’enfant est compétent à la naissance, donc il va ressentir les goûts, les odeurs. Au niveau de la gestion de la texture des aliments, là il va devoir développer des compétences masticatoires pour pouvoir passer d’une compétence de succion déglutition à des compétences masticatoires qui vont lui permettre de consommer des aliments solides qui seront en fait les aliments de son répertoire ultime. Et tous ses apprentissages sont aussi fortement liés au contexte de la consommation des aliments, notamment au contexte psycho social, donc la façon dont les parents, les éducateurs, vont amener les expériences alimentaires aux enfants vont jouer fortement. Donc, si on a des tensions à table, un contexte un peu négatif, ça va pouvoir être associé négativement avec le goût d’un aliment et donc plutôt avoir un effet négatif sur les préférences alimentaires. D’où l’intérêt de favoriser un contexte chaleureux autour de l’alimentation ou a minima neutre. Et aussi pour les parents de montrer l’exemple, évidemment, puisque l’enfant apprend beaucoup par imitation et donc en observant le comportement des adultes qui sont avec lui.


Si on applique ça concrètement aux fruits ou légumes, comment les faire aimer aux enfants ? Quels conseils on peut donner aux parents ?

Alors on peut donner un certain nombre de conseils. Tout ce que je peux synthétiser, c’est vraiment sur la base des études scientifiques qui sont faites sur ce sujet là, ce n’est pas juste le fruit de mon imagination.

Donc tout d’abord, il est important de rendre les fruits et légumes disponibles et accessibles à la maison. Ça paraît complètement évident, mais les enfants ne vont pas réclamer des légumes si les parents ne leur proposent pas, donc il est vraiment important de centrer le rôle des parents sur l’organisation de l’offre alimentaire à la maison.

On peut suggérer aussi aux mamans de commencer à consommer des fruits et des légumes dès la grossesse et l’allaitement, puisque, comme je l’ai expliqué précédemment, ça va favoriser déjà des premières expériences sensorielles qui sont susceptibles de moduler le comportement de l’enfant.

Ensuite, on peut proposer de commencer tôt, dès le début de la diversification alimentaire, tout en adaptant les textures au développement des capacités masticatoires. Certains parents peuvent avoir l’idée que les légumes, ce n’est pas pour les enfants, ce n’est pas la peine de les embêter avec ça quand ils sont petits, on verra plus tard. Au contraire, comme ce sont des aliments plus difficiles à faire consommer que d’autres – les frites, par exemple, en général, ne posent pas de problèmes d’apprentissage – c’est particulièrement important de commencer le plus tôt possible pour faire aimer ces aliments aux enfants. L’adaptation des textures va être nécessaire parce que certains fruits ou certains légumes sont encore un peu dur ou croquant, et quand l’enfant n’a pas encore des capacités de mastication suffisantes, ça peut être intéressant de faire des petites purées, des petites compotes et tout en favorisant la découverte du goût de ces produits.

Un autre conseil qu’on peut donner, c’est vraiment de persévérer dans le fait de mettre à disposition ces aliments aux enfants. On voit, comme je l’ai dit, qu’on apprend à aimer un aliment sous l’effet des apprentissages et il peut être nécessaire d’avoir plusieurs expositions avant que l’enfant se mette à aimer un aliment. Des travaux montrent très clairement que les carottes, par exemple, sont appréciées assez spontanément par les enfants, et des haricots verts ou des légumes verts peuvent nécessiter plus de présentations, 8, 9, 10…, avant que l’enfant se mette à les apprécier. Donc c’est vraiment important d’avoir cet élément là en tête. J’aime bien prendre l’analogie avec le langage pour ce point là. Si on veut faire dire à un enfant « merci » ou « s’il te plaît », on est souvent obligé de répéter plusieurs fois, donc là c’est un petit peu la même chose. Il faut parfois se tenir prêt à répéter plusieurs fois. Alors sur ce sujet là, on me demande souvent quel est le nombre idéal de présentations pour être sûr qu’un enfant va se mettre à aimer. C’est difficile de donner un chiffre d’or, c’est assez variable en fonction des aliments, en fonction des enfants. Mais il faut, je pense, plutôt raisonner en terme de principe, se dire que ce n’est pas forcément un goût, le goût des légumes, qui va être acquis très rapidement. D’où la nécessité de répéter les présentations. Et c’est bien aussi parfois de raisonner en terme de répertoire familial par exemple. Donc, s’il y a un légume qui est particulièrement aimé dans la famille, on va vouloir le présenter régulièrement, et ça peut être intéressant d’investir sur l’apprentissage du goût de ce légume en particulier, et pas forcément tous les légumes qui peuvent être disponibles au marché.

On peut encore donner quelques conseils : de varier les présentations et ça dès les premières expériences alimentaires, donc dès le début de la diversification. On voit que quand on varie, on aide l’enfant finalement à apprécier de la nouveauté parce qu’en fait il va s’attendre à avoir pas toujours la même chose et donc il va être plus ouvert pour des découvertes alimentaires.

On peut inciter à cuisiner. Donc comme je disais, un des problèmes des légumes, c’est l’univers des saveurs et des arômes, et donc là, il y a certaines pratiques culinaires qui peuvent permettre de masquer la petite acidité ou la petite amertume qu’on peut retrouver dans certains aliments.

On peut aussi suggérer aux parents d’éduquer, c’est à dire d’amener un certain nombre d’éléments d’information aux enfants, sur les fruits et légumes, en montrant l’exemple, comme je l’ai dit, parce que les enfants vont beaucoup apprendre par imitation, mais aussi en parlant de ce que l’enfant va pouvoir consommer en donnant des informations : c’est une tomate, elle est rouge, ça pousse dans le jardin… enfin, en essayant de favoriser toujours un discours qui reste positif et très concret sur ces aliments, sans forcément aller dans le domaine, même en évitant d’aller dans le domaine des conséquences de la consommation de ces aliments sur la santé. En fait, on sait que c’est des stratégies qui sont assez facilement et spontanément utilisées par les parents. « Mange, c’est bon pour ta santé, c’est plein de vitamines » par exemple. En fait, ce sont des éléments qui sont incompréhensibles pour les enfants parce que la chaîne de causalité pour comprendre le lien entre la consommation de ce qui est dans l’assiette, du truc vert qu’il y a dans l’assiette et la santé, qui est une notion extrêmement abstraite, c’est impossible à comprendre pour l’enfant, alors que l’accès à des informations plus accessibles pour lui, comme des informations liées aux caractéristiques sensorielles de l’aliment, ça va être beaucoup plus facile pour lui à comprendre et il va pouvoir utiliser ces informations de manière plus positive.

Deux derniers conseils qu’on peut donner, c’est pour les fruits et légumes de bien réfléchir au moment où on va donner ces aliments. Comme je disais, on peut avoir des problèmes de compétition dans l’assiette si on a des aliments plus ou moins appétents. Donc on a toujours intérêt à essayer de favoriser la consommation des fruits et légumes avant le reste, au début du repas, quand l’enfant a encore un appétit bien ouvert disons. Et on peut aussi réfléchir à des moments où on va favoriser la consommation de ces aliments plutôt que d’autres. Je pense au goûter, par exemple, il y a un certain nombre de fruits, évidemment, qui peuvent se consommer au goûter, qui est traditionnellement plutôt sucré en France, mais pourquoi pas aussi des petits bâtonnets de légumes ? Pour ne pas forcément cantonner ces aliments au cœur des repas.

Et puis, le dernier conseil que j’ai, moi, c’est aussi de se relaxer. Comme je disais, les fruits et légumes, ça fait souvent l’objet de tensions éducatives vives. Et souvent, les parents très bien intentionnés peuvent avoir aussi la tentation de forcer un petit peu ou d’insister un peu trop. Autant c’est important d’insister dans le sens de continuer à présenter un aliment, un légume par exemple, même si l’enfant ne l’aime pas trop, par contre, il faut toujours le faire dans un contexte chaleureux et positif et sans forcer l’enfant à le consommer. De la même manière, parfois, on peut avoir tendance à faire finir une assiette parce qu’on pense que justement, l’enfant c’est bien qu’il mange toute la portion de légumes qu’on a prévue pour lui. Mais là encore, pour moi, c’est une pratique plutôt contre productive et il vaut mieux essayer de respecter l’appétit de l’enfant et ne pas forcer. On peut aussi admettre que certains enfants aient des aversions bien caractérisées pour certains légumes, après tout, nous mêmes adultes, on a aussi nos aversions alimentaires, et convenir avec son enfant, ses enfants, que ce légume-là, ce n’est pas pour lui, ce qui relâche un tout petit peu la pression et permet malgré tout d’aller piocher dans un répertoire alimentaire d’autres légumes ou d’autres fruits qu’il pourrait accepter avec plaisir.


Une fois que les goûts sont installés – on a vu l’importance des premiers mois, premières années de vie – est ce qu’il est possible de les faire évoluer ? En d’autres termes, est ce qu’on ne peut être que dans un changement de comportement alimentaire « raisonné », sans que notre appétence soit réelle, ou peut-on réellement se mettre à apprécier de nouveaux goûts, en grandissant ou à l’âge adulte ?

Ce qu’on observe, c’est que, biologiquement parlant, on est programmés pour apprendre, avoir la capacité d’apprendre, à apprécier un nouvel aliment à tout âge. Simplement, on peut avoir plus de barrières psychologiques avec l’âge, notamment quand on réfléchit à la provenance des aliments. Nous même, adultes, par exemple, si on n’a pas été habitué à manger des insectes et si on nous sert des insectes à l’apéritif, par exemple, on va peut être pas trouver ça très appétent. Mais le principe qui veut qu’une consommation d’un aliment permet d’augmenter son appréciation est toujours valable. Pour revenir plus spécifiquement aux enfants, en fait, quand vous parlez de comportements alimentaires raisonnés, c’est à dire d’essayer de dire « c’est bon pour toi », peut être qu’on peut l’interpréter comme ça, comme je disais précédemment, c’est quelque chose qui ne fonctionne pas très bien chez les enfants, voire qu’il a des conséquences négatives parce que souvent on répète « mange, c’est bon pour ta santé » mais quand c’est un aliment que l’enfant n’aime pas, il apprend à associer ce concept de « bon pour la santé » à « mauvais goût ». Et ça peut même pour lui directement signaler quelque chose qui va avoir un pas très bon goût. Par exemple, certaines études montrent que si on présente exactement la même boisson avec une étiquette « bon pour la santé » ou sans étiquette, la boisson qui est notée bonne pour la santé est moins appréciée que la même boisson sans étiquette. Vraiment, cet argument est à manipuler avec précaution. Donc pour moi, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de raisonner, en tout cas d’essayer de forcer l’enfant par la mise en œuvre de ces stratégies vraiment basées sur des explications, sur l’intérêt de ces aliments. Par contre, ce qui est important, c’est de favoriser le plaisir de la consommation de ces aliments, donc ça va passer beaucoup plus, peut être, par des notions de culinarité. Donc essayer de trouver des recettes qui peuvent permettre, entre guillemets, de faire passer les légumes. Par exemple, si on a repéré qu’un enfant aime bien une certaine épice ou une certaine sauce, ça peut être intéressant d’utiliser cet élément là comme facilitateur pour l’appréciation du goût du légume.

C’est important, effectivement, notamment dans la prise en charge du surpoids infantile, cette notion d’argument santé versus plaisir. Est ce qu’il y a d’autres aspects sur lesquels on peut intervenir dans le cadre de la prise en charge d’un surpoids infantile ? Je pense par exemple à la structuration des repas ?

Alors oui, bien sûr que ce sont des éléments très importants. Moi, j’ai plus réfléchi aux éléments qu’on peut mettre en avant pour favoriser une bonne régulation de l’appétit de l’enfant, plus que spécifiquement dans la prise en charge d’un surpoids infantile, donc je donne des principes qui, je pense, peuvent aussi s’appliquer au surpoids. Ces principes, on va dire qu’ils sont peut être un peu plus applicables pour la prévention que pour la prise en charge.
Déjà, il y a une notion importante qui était mise en œuvre ou en tout cas développée par une pédiatre américaine dans les années 90, qui est la notion de division des responsabilités. C’est la notion que le parent est responsable de l’organisation des repas, du choix de l’offre et donc évidemment, par exemple, du choix de l’organisation des journées alimentaires et de la structuration des repas, des plats qui seront présentés, alors que l’enfant, de son côté, il est responsable de la quantité consommée. Donc ça, c’est un principe assez important qui paraît très simple, mais qui n’est en fait pas si simple que ça à appliquer de manière systématique. C’est quand même intéressant à mettre en avant.

On peut proposer aussi, par rapport à l’organisation des repas, d’éviter les écrans, c’est quelque chose de très connu mais on va dire que c’est important de le rappeler. Toutes les distractions qui peuvent venir interférer entre l’aliment et le mangeur vont perturber la perception du goût de l’aliment et surtout du rassasiement qu’on peut avoir, auquel on va parvenir suite à la consommation de l’aliment. Donc, il faut penser à éviter ces perturbations.

Ce qui est très important, c’est de favoriser les situations où on peut manger ensemble. Le contrôle social de l’alimentation, c’est quelque chose de très important qui va jouer aussi bien sur les choix qualitatifs que sur la régulation des quantités consommées. Donc d’autant plus si l’enfant a des problèmes de surpoids, les parents présents peuvent aider à gérer les portions, donc ce qui peut permettre évidemment d’accompagner positivement l’enfant.

Donc on va essayer de choisir également des portions adaptées au développement de l’enfant. Alors là, j’aime bien prendre la métaphore de Boucle d’Or et les oursons. Donc, quand elle arrive dans la maison des ours, Boucle d’Or voit trois bols de tailles différentes, un bol du bébé, du petit ourson, de la maman ourson et du papa ourson. C’est très simpliste, mais les enfants ont des estomacs de taille différente des adultes et même entre eux. Et donc proposer une portion adaptée à l’âge de l’enfant, c’est extrêmement important et surtout très précocement, justement dans une perspective de prévention. Donc parfois on a des parents qui n’ont pas du tout d’idée de portions ou qui ont des enfants plus grands, suivi d’un enfant plus petit, et qui servent la même portion pour tout le monde alors qu’en fait ces portions ne sont pas du tout adaptées.

Et pour moi le dernier point qui est vraiment important, surtout sur cette question de la régulation de l’appétit, c’est de ne jamais forcer à finir un aliment, qu’on considère qu’il soit bon pour la santé ou pas. Donc, même pour les légumes, je l’avais déjà expliqué, parce que ce que ça apprend à l’enfant, c’est à ne pas écouter ces signaux internes de rassasiement et à aller plus loin donc en surconsommant, et c’est précisément ce qu’on veut éviter, et ce vers quoi on va devoir se battre ensuite quand on va essayer de prendre en charge un surpoids via une approche alimentaire. Voilà c’est quelques éléments auxquels je pense.

Et ce qu’on peut rajouter en lien avec ce que je disais précédemment, c’est que les fruits et les légumes apportent peu de calories, et donc dans la structuration de l’offre à l’intérieur d’un repas, ils ont une place intéressante puisqu’ils vont apporter un certain rassasiement mais peu de calorie, donc permettre finalement de satisfaire l’appétit pendant le repas tout en évitant une charge calorique trop importante.


Vous avez parlé du contrôle social et ça fait penser à vos travaux que vous menez dans les cantines scolaires. Qu’est ce que vous avez remarqué sur les représentations autour de l’alimentation végétale ? Comment ça influence le comportement alimentaire des enfants ?

Effectivement, on s’est intéressé notamment au menu végétarien, pour préciser le sujet autour de l’alimentation végétale, puisque dans le cadre de la loi EGALIM et climat et résilience, pour les cantines de plus de 200 convives, c’est devenu obligatoire de proposer un menu végétarien par semaine en restauration scolaire. Et ce qu’on observe, c’est que certains éducateurs qui sont autour des enfants ont eux mêmes des perceptions négatives, parfois souvent erronées, autour des menus végétariens. Ce qu’on peut entendre, c’est par exemple que c’est un menu qui ne va pas couvrir les besoins nutritionnels des enfants, par exemple, parce que il n’y a pas de viande, il n’y a pas de protéines. Et ça, c’est parfois des choses qui sont dites devant les enfants. Et comme je disais tout à l’heure, le contrôle social et notamment aussi tous les éléments d’information qui sont échangés autour des repas, ça va jouer fortement sur la perception des enfants. Si on sert un plat en faisant une grimace, l’enfant va développer des attentes négatives. Alors que si on sert un plat en souriant, il va plutôt penser que c’est quelque chose de bon. Donc, ces effets négatifs de l’information, si on dit « aujourd’hui c’est végétarien, dommage, tu ne vas pas manger à ta faim », voilà, ça, c’est quelque chose qui peut influencer négativement les enfants alors que ce n’est pas tellement justifié. On a eu l’occasion d’analyser des menus de restauration scolaire, végétariens ou non végétariens. On voit que, notamment sur la question des protéines, une question qui revient assez régulièrement, les menus végétariens comme les menus non végétariens, couvrent très bien les besoins protéiques des enfants. Les menus végétariens apportent 97 % des besoins en protéines des enfants pour une seule journée, donc presque 100 % des besoins quotidiens, on n’a absolument aucun problème de sécurité protéique au niveau de l’alimentation des enfants, si les menus sont bien conçus évidemment. Et donc ces représentations, c’est pour ça qu’elles ne sont pas très fondées. Donc on essaye de travailler avec les éducateurs pour expliquer déjà l’importance des éléments qui sont échangés autour des enfants lors des repas en restauration scolaire, qu’ils comprennent aussi le rôle d’éducation qu’ils ont à jouer pour essayer d’apporter les informations nécessaires sur ces types de menus.


Finalement, à la lumière de vos travaux, qu’est ce que vous préconisez en terme de prévention du surpoids infantile ?

Alors, c’est une très, très vaste question et qui est très compliquée parce que on sait tous que le développement du surpoids infantile est multifactoriel. Si quelqu’un avait déjà la clé ultime pour la question de la prévention, je pense qu’on serait tous très, très contents et on aurait déjà cette information. Donc, modestement, ce qu’on peut dire, c’est que, pour moi, un élément vraiment très important, c’est de favoriser chez l’enfant l’émergence de comportements alimentaires sains le plus tôt possible au cours du développement, d’où l’intérêt d’introduire des légumes dès le début de la diversification, etc. pour favoriser l’apprentissage de ces types d’aliments. Et un certain nombre de tout ce qu’on peut recommander à l’aune de nos travaux sur ces éléments là, comment favoriser un mangeur heureux dès les premières années, ça a été repris dans la brochure qui est actuellement diffusée par Santé publique France et qui a été développée par Santé publique France sur l’alimentation des enfants de 0 à 3 ans « Pas à pas, votre enfant mange comme un grand« . Je dirais que là, on a mis un certain nombre de conseils, donc tout est là pour ce qu’on espère être le mieux pour la prévention du surpoids de l’enfant. Ce qu’on peut rajouter, ce qui est important, c’est une application patiente et régulière de ces principes par les éducateurs et les parents, en essayant de rester dans une attitude positive, ce qui n’est pas toujours évident en fait. Et ce qui implique aussi probablement un soutien à la parentalité pour expliquer aux parents comment organiser le rôle d’éducateur de l’enfant, ce qui dépasse finalement l’aspect communicationnel qu’on va retrouver dans la brochure de Santé Publique France. Pour ce qui est de l’effet de ces travaux sur la prévention du surpoids, on est en train de conduire une étude scientifique pour évaluer l’effet de la diffusion de ces messages, notamment sur le statut pondéral de l’enfant à trois ans, donc dans quelques années, j’aurais peut être quelques informations complémentaires à vous donner pour étayer ces réponses.

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