Entretien avec Véronique Nègre : les acteurs de la prise en charge du surpoids et de l’obésité pédiatrique

Entretien avec le Dr Véronique Nègre, pédiatre et présidente de l’APOP, Association de Prise en charge et de prévention de l’Obésité en Pédiatrie.

Cet entretien est à retrouver en audio et en intégralité sur le podcast Banco.

On doit s’en preoccuper tôt

Véronique Nègre

Pourquoi est-ce important de se préoccuper de l’obésité infantile ? Quelle est la prévalence actuelle en France ?

L’obésité infantile est une thématique sur laquelle il est important de travailler et sur laquelle on travaille depuis de nombreuses années. 

La prévalence actuelle du surpoids incluant les formes les plus sévères est autour de 17 – 18 % en France, tout âge confondu, donc de 2-3 ans à 18 ans. Parmi ces 17-18 % d’enfants en surpoids, on estime qu’entre 3 et 4% ont des formes plus graves et sont en situation d’obésité. Ses chiffres semblent relativement stables depuis les années 2000, avec peut-être une attention un peu particulière à avoir pour les jeunes filles adolescentes chez qui la situation semble s’aggraver. Il semble aussi que les situations les plus graves sont plus fréquentes, avec des jeunes notamment en situation de précarité et pour lesquels nous sommes vraiment en difficulté pour les aider. C’est bien pourquoi on doit s’en préoccuper assez tôt. On connaît maintenant des déterminants très précoces, qui sont bien sûr d’ordre génétique, mais qui peuvent aussi concerner la période de la grossesse ou les premières semaines et premiers mois de vie. On sait que la plupart des enfants commencent à prendre du poids de façon excessive autour de l’âge de 3 – 4 ans. On pense important de pouvoir mener des actions de prévention dès cette période voire même avant, pour éviter que la situation s’aggrave et que les enfants ensuite en souffrent et développent des complications qui peuvent être sévères.

Parmi les acteurs qui travaillent sur cette thématique, pouvez-vous nous présenter l’APOP, dont vous êtes présidente ?

L’APOP est une association loi 1901 qui est très active maintenant depuis presque 20 ans puisqu’elle a été créée en 2002. Elle a été créée par des professionnels de santé notamment des collègues pédiatres qui se préoccupaient de cette évolution de prévalence, puisque la situation était stable depuis les années 2000 mais on avait observé auparavant une forte augmentation, avec une évolution qui est passée dans les années 1960 autour de 3 % aux 17-18 % actuels. C’est fort de ce constat et aussi dans la dynamique de la mise en place du programme national nutrition-santé, le PNNS, qui continue toujours ses actions et qui a été mis en place en 2001 pour la première fois, que c’est mis en place l’APOP. Ses missions sont assez larges autour de ces thématiques, de mettre en place une prévention et une prise en charge efficace, en travaillant avec tous les acteurs concernés, de prendre une place aussi éventuellement dans les actions de recherche et puis et c’est le sujet qui va particulièrement nous intéresser pour BANCO, de participer de façon très active à la formation et à l’information des professionnels notamment sur cette question de l’obésité et du surpoids pédiatrique.

L’APOP travaille de façon étroite avec la Coordination Nationale des RéPPOPs (Réseaux de Prévention et de Prise en charge de l’Obésité Pédiatrique). En quoi consistent leurs missions ? 

Les RéPPOPs sont des organisations de soins, de parcours de soins et d’organisation du pilotage des actions autour du surpoids de l’enfant qui ont vu le jour pour les premiers en 2003 puis 2004 et dans les années qui ont suivi. Ils se sont organisés très rapidement en coordination nationale, dont les statuts ont été publiés en 2006. L’acronyme signifie Réseaux de Prévention et de Prise en charge de l’Obésité Pédiatrique. Ils ont deux grandes actions. Ils sont composés d’une équipe experte de pilotage et de coordination, qui a des missions régionales de formation, de soutien des projets, d’expertise des projets autour de la prévention par exemple, et aussi d’organisation des parcours de soins. La deuxième action c’est vraiment l’organisation d’un réseau de professionnels de terrain, de proximité, qui vont être formés par cette équipe du Réppop, en lien maintenant avec les centres spécialisés de l’obésité. Ce réseau de professionnels va pouvoir prendre en charge les patients et leur famille au plus proche de chez eux et en pluridisciplinarité, c’est-à-dire avec un médecin, accompagné selon les besoins d’un diététicien, d’un psychologue, d’un professionnel de l’activité physique, etc. C’est cette prise en charge qui a montré son intérêt et qui est soutenue par les RéPPOPs. Le financement principal des RéPPOPs sont les Agences Régionales de Santé et c’est un soutien institutionnel qui perdure depuis ces années.

En quoi consiste le parcours de soins ? Comment se fait l’articulation en termes de niveaux de recours avec les centres spécialisés de l’obésité ?

C’est la Haute Autorité de Santé qui a défini en 2011 cette organisation en différents recours qui tout à fait d’actualité même s’il y a des nouveaux travaux en cours actuellement pour les préciser encore plus. On peut définir dans les grandes lignes 3 niveaux de parcours. 

Un premier recours, décrit précédemment avec les RéPPOPs, qui est le parcours de proximité avec le médecin traitant idéalement ou un médecin de proximité et selon les besoins d’autres professionnels qui peuvent intervenir. L’enjeu pour cette organisation de premier recours est la formation des professionnels qui nous parait vraiment indispensable et aussi le financement, puisque tout ce qui est prestation diététique, psychologique, d’activités physiques adaptées, sauf cas particuliers, ne sont pas pris en charge par l’Assurance Maladie à l’heure actuelle. Dans le cas de certains RéPPOPs, on a pu obtenir ce qu’on appelle des prestations dérogatoires, qui permettent de financer ces prestations. Il y a actuellement des travaux en cours au niveau national, notamment au niveau de la feuille de route obésité, pour que ces parcours puissent être financés.

Le deuxième recours c’est lorsque c’est difficile, parce qu’il y a des complications, parce que les situations sont complexes au niveau socio-économique ou familial. On a besoin d’une équipe spécialisée, qui peut être par exemple une équipe dans un hôpital de proximité ou bien au CHU si c’est plus proche ou bien des médecins ou des professionnels experts qui peuvent être en ambulatoire. Ca peut être aussi être en établissement de soins de suite et de réadaptation pour du séjour court, ou en hôpital de jour, ou dans ce type de prise de charge.

Le troisième recours est un recours d’expertise, qui concerne les situations les plus complexes ou des obésités qui sont liées à des maladies, notamment des maladies génétiques qu’on connaît bien comme le Syndrome de Prader Willi. Là il y a besoin de l’expertise des centres spécialisés de l’obésité qui depuis 2011 sont répartis sur l’ensemble du territoire, principalement dans les CHU et qui doivent offrir une prise en charge d’expertise qui va compléter la prise en charge de proximité qui doit exister dans l’idéal. 

Ces trois recours sont relativement bien construits et organisés là où il existe des organisations de type RéPPOP. Malheureusement il n’y a pas de RéPPOP partout sur le territoire, et dans les territoires où il n’y en a pas, on voit bien qu’il y a un gros travail d’organisation de ces recours à faire et des manques qui peuvent se faire à tous les niveaux. C’est l’enjeu de tous ces travaux, et c’est en ça aussi que l’APOP et la Coordination des RéPPOPs apportent leur aide et leur soutien.

Concrètement, comment adhérer à ces réseaux en tant que professionnel·le ? 

Tous les professionnels concernés par cette thématique peuvent adhérer, les médecins généralistes, pédiatres, endocrinologues, nutritionnistes, les diététiciens nutritionnistes, les professionnels de l’activité physique adaptée, qui prennent une place de plus en plus importante dans la prise en charge des maladies chroniques et c’est fondamental, et aussi bien sûr les psychiatres et psychologues, pour tout le versant psychique. Ce n’est pas une liste exhaustive, nous accueillons d’autres professionnels qui peuvent prendre leur part. Ils doivent prendre contact, avec soit le Réppop s’il est identifié, soit le centre spécialisé obésité dans sa partie pédiatrique. En général, la porte d’entrée est une formation commune, pluridisciplinaire, dont le modèle a été travaillé et est porté par l’APOP en tant qu’organisme agréé DPC, qui va permettre de mettre à jour ses connaissances et ses compétences, connaître aussi les autres partenaires et commencer à travailler ensemble au sein de cette formation, ce qui est le meilleur moyen de pouvoir ensuite continuer ce travail de proximité. Ses formations sont aussi vraiment précieuses pour commencer à organiser les réseaux de professionnels sur des territoires et notamment dans le cadre de ce qu’on appelle les communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, qui sont une bonne organisation de soins pour prendre en charge ces jeunes patients et leurs familles.

La formation est une clé pour améliorer ses pratiques, c’est aussi la raison du lancement de la plateforme BANCO. Que va t-on trouver sur cette plateforme ? 

Sur cette plateforme BANCO on va pouvoir déjà mettre en accès facile et en lumière tout ce qui existe et ce qu’on a pu travailler au sein des groupes de travail de l’APOP, de la coordination nationale des RéPPOPs depuis toutes ces années. On a par exemple une bande de témoignages de près de 200 témoignages de patients et de professionnels, qui sont vraiment une ressource à la fois pour se former mais aussi à utiliser en éducation thérapeutique du patient. On a un webdocumentaire qui a été développé. On a développé aussi des outils en éducation thérapeutique pour aider à la prise en charge du grignotage, etc. On a vraiment le souhait de pouvoir les mettre à disposition de façon plus claire avec des explications d’utilisation, des tutoriels pour aider à leur utilisation. On a pour ambition aussi de créer des modules d’initiation pour des professionnels qui souhaitent découvrir certains aspects de la pratique notamment une des clés dans l’éducation thérapeutique du patient qui est l’entretien motivationnel pour ces jeunes patients qui peut être travaillée et qui est travaillée d’ailleurs dans nos modules de formation en présentiel. Et puis on souhaite aussi, pour éviter que chacun dans son coin publie des actualités sans forcément de mise en commun, créer un webzine, qui sera un peu la somme des travaux de chacun pour s’informer, se tenir au courant, et puis aussi s’inspirer et partager tout ce qui est fait est dans dans les différentes équipes.

BANCO est également porté par TOPASE. Pouvez-nous présenter ce dispositif ?

Je ne suis pas impliquée directement dans ce projet TOPASE dont l’acronyme veut dire Territoire Obésité Parcours Autonomie Santé Ensemble, pédiatrique. C’est une organisation de soins et de parcours pour les enfants en excès de poids, en obésité et leurs familles, qui concerne le Centre Val de Loire, notamment le département du Loiret, donc sur un territoire assez petit, et qui est porté par une Communauté professionnelle Territoriale de Santé, une CPTS, à une échelle de proximité. Ce qui est particulièrement notable, c’est que c’est une innovation, une expérimentation, dans le cadre de l’article 51 de la loi de Sécurité Sociale, qui va être évaluée au bout des 4 ou 5 ans de mise en place, pour peut-être ensuite être généralisée, avec d’autres organisations, expérimentations, de ce type, qui sont mises en place sur le territoire. C’est un financement de ce parcours de soins qui, on l’espère en tout cas, va pouvoir être un modèle pour une généralisation future. 

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