Pourquoi et comment mettre en place et animer des séances d’activité physique en distanciel pour les jeunes en surpoids ?
Mathilde Eche et Sébastien Le Garf, enseignants et coordinateurs en Activité Physique Adaptée en Occitanie et en PACA, et membres du groupe de travail APA de l’APOP/CN RéPPOP, nous présentent un guide destiné aux professionnel·les.
Cet entretien est à retrouver en audio et en intégralité sur le podcast BANCO.

Ce guide permet de pallier un bricolage pédagogique et d’apporter un cadre
Sébastien Le Garf
C’est aussi qu’ils prennent confiance en eux
Mathilde Eche

Pourquoi avoir créé ce guide ? Et est-ce encore pertinent de poursuivre des séances à distance ?
SLG : Effectivement, c’est bien de recontextualiser. Ce travail fait suite à une enquête nationale que nous avons fait avec la CN RéPPOP, la Coordination nationale des réseaux sur l’obésité pédiatrique en France. Nous avons eu 55 retours de professionnels, essentiellement des enseignants en activité physique adaptée, mais aussi des kinésithérapeutes et des éducateurs sportifs, qui tous interviennent dans le champ de l’obésité pédiatrique et donc ils proposaient pendant le confinement ce type d’activité physique pour éviter l’interruption de leur prise en charge. On s’est rendu compte que ce guide permet de pallier finalement un bricolage un peu pédagogique et donc aussi d’apporter un cadre au regard de la littérature qui pouvait exister sur cette thématique et aussi les textes de loi en vigueur.
ME : La première idée, c’était aussi de faciliter l’accès à l’activité physique adaptée pour ces jeunes en situation de surpoids et d’obésité qui sont soit géographiquement éloignés de l’activité physique, au niveau de l’environnement ou qui ont vraiment des difficultés à bouger, ou alors les deux. Après, dans un second temps, c’est aussi qu’ils prennent confiance en eux, en leur capacité physique, pour qu’ensuite on puisse les aider et les orienter vers des clubs sportifs ou des activités physiques ordinaires.
A qui s’adresse ce guide ?
ME : Concrètement, il s’adresse à tout éducateur sportif, kiné ou enseignant en activité physique adaptée qui est formé, ou alors qui exerce dans le champ de l’obésité pédiatrique, en structure ou à proximité, donc qui veut s’en saisir s’en saisit.
SLG : Par ailleurs, ce guide a également une autre vocation, c’est donner des ressources réglementaires, sécuritaires et pédagogiques. Et donc là, on vous invite à regarder certaines pages destinées à ces dimensions. Ces aspects là vont permettre aux institutions qui voudraient développer ce type de prise en charge en dehors du contexte sanitaire, notamment par le biais de ce qu’on appelle de télé séances ou télé réadaptation.
Dans le guide, vous commencez par préciser justement ce cadre administratif et réglementaire. A quoi faut il faire attention si on veut dispenser des séances à distance ?
SLG : Un peu au même titre que les séances d’activité physique adaptée qu’on pourrait habituellement proposer en libéral ou comme employé dans une structure, il faut avoir une carte professionnelle qu’on demande à la préfecture. Ensuite, on va s’intéresser à un cadre un peu plus spécifique, que sont les télé-séances, et donc avoir sur sa responsabilité civile professionnelle une mention qui stipule que c’est des séances proposées en visioconférence. Et pour plus de précisions, je pense qu’on peut inviter aussi nos auditeurs à regarder les pages 5 et 6 du guide qui évoquent des précisions ou des détails à ce sujet.
On parle bien de séances d’activité physique « adaptée ». Rappelez nous ce qu’est le sport santé, le certificat d’inaptitude partiel… Est ce qu’il y a une vigilance particulière à avoir pour les enfants et les jeunes en situation de surpoids ou d’obésité ?
SLG : C’est intéressant d’aborder cette question parce qu’à ce jour, ces deux notions sont souvent confondues par le grand public et même par certains experts dans la littérature. Sur le plan réglementaire, le sport santé, il faut bien comprendre, ce sont les activités physiques et sportives dont les conditions de pratique sont modifiées pour répondre à des aptitudes physiques et à des besoins spécifiques d’un public. Et donc, on le distingue bien de l’activité physique adaptée qui, elle, est plutôt un domaine scientifique et d’intervention pluridisciplinaire où on va aborder plutôt la dimension d’engagement, de changement de comportement, où on prend réellement la source de plaisir de l’enfant. Et donc, on distingue bien ces deux domaines sur le plan réglementaire. Et dans le cadre de la prescription d’activités physiques à des fins de santé, il y a des nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé qui sont sorties en septembre 2022 à ce sujet. Et il existe également un certificat d’inaptitude partielle validé également par la HAS en 2011, on vous a mis un exemplaire en annexe de ce guide, qui peut être utile dans le cas de la prise en charge des jeunes en surpoids ou d’obésité, pour venir palier parfois à une mise de côté de ces jeunes alors qu’ils pourraient pratiquer au même titre que d’autres enfants.
ME : Si on prend le cas des jeunes spécifiquement en surpoids ou en situation d’obésité, les points de vigilance, ce qui est important de prendre en compte, c’est la présence de douleurs articulaires ou non, notamment aux chevilles, aux genoux ou encore au dos, d’analyser aussi l’essoufflement pour qu’en fait ils fassent l’effort tout en étant capable de parler et que cet effort, en fait, puisse être prolongé, que l’effort prolongé soit vraiment favorisé, leur permettre de faire des pauses régulières ou d’augmenter leur temps de récupération s’ils en ont besoin. On revient aussi sur la confiance en eux. C’est vraiment important ça, pour qu’ensuite ils s’ouvrent socialement. Et après, quelle que soit l’activité physique, ce qu’il faut pas oublier, c’est le côté ludique. Parce qu’en fait, l’idée, c’est qu’ils prennent du plaisir à bouger, qu’ils ait envie de se retrouver au delà du résultat pur et simple, puisqu’ensuite va découler toute une cascade d’effets positifs.
Avant de proposer ces séances à distance, vous recommandez de rencontrer individuellement le ou la pratiquant.e et sa famille. Qu’est ce que vous évaluez lors de cet entretien qui se fait cette fois en présentiel ?
ME : L’entretien en présentiel, l’idée, c’est vraiment d’être plutôt sur un entretien motivationnel. Qu’est ce qu’on va faire ? On va évaluer un petit peu les motivations du jeune, ses désirs également, de quoi il a envie, c’est très important pour le faire adhérer au projet et aussi évaluer tout ce qui est représentations, freins, ressources à l’activité physique, afin de construire un suivi qui est adapté que ce soit à ses besoins et à ses objectifs. Après, c’est aussi primordial pour créer vraiment ce premier lien de confiance entre le professionnel, le jeune et également sa famille, pour qu’aussi on puisse mobiliser la famille, qu’elle soit partie prenante du projet. Si on a l’occasion, on peut également faire des tests physiques. Ça, ça va dépendre vraiment du temps qu’on a. On peut avoir du qualitatif, du quantitatif. Et plus spécifiquement si on prend les séances d’activité physique en visioconférence, lors de cet entretien individuel, on va faire un petit peu un état des lieux de tout ce qui se passe au domicile et voir comment s’est organisé chez eux pour voir si à distance, si c’est réalisable, les équipements nécessaires, des personnes disponibles au moment où il y aura la séance d’activité physique, etc. Et surtout, ce qui est important, c’est vraiment spécifique au distanciel, c’est de remplir la fiche urgence individuelle, dont vous trouverez l’icône au niveau de la page 5. L’idée, c’est que cette fiche rassemble toutes les informations primordiales en cas de besoin, que soit le numéro de téléphone, l’adresse et les personnes qu’on peut joindre, etc et également les points de vigilance, que ce soit avant les séances visio ou pendant la séance avec tous les numéros d’urgence etc., vous verrez ça plus spécifiquement dans le guide.
On voit que ça demande quand même une certaine préparation. Quels sont les pré-requis à assurer justement pour que la séance se déroule dans les meilleures conditions ?
ME : Au niveau des prérequis, ce qui est important, c’est de vérifier la qualité de la connexion pour que le flux soit suffisant, donc qu’on entende bien, qu’on voit bien, pour qu’il y ait qu’une bonne compréhension. S’assurer aussi de la présence de tous les participants, si on a fait un rappel avant pour éventuellement relancer si un n’est pas arrivé. Avoir aussi l’espace adéquat, que chaque jeune ait son espace pour qu’il soit en sécurité pour pratiquer et qu’il ait aussi tout ce qui est matériel ou équipement qu’on va utiliser pendant la séance. Et ensuite d’avoir ce proche qui est joignable assez facilement ou qui soit présent au domicile pour pouvoir réagir s’il y a le moindre problème.
Tout est prêt. Comment se déroule une séance ? Est ce que ce sont des séances individuelles, des séances de groupe ? Qu’est ce que vous privilégiez ?
SLG : Les séances, à l’instar de ce qu’on peut proposer pendant les séances en présentiel, ça va être de l’individuel, voir du collectif. Et donc, à la suite de notre enquête nationale qu’on a pu mener, ce qui est ressorti, c’était plutôt cinq participants maximum pour éviter que certains soient isolés dans un bout de l’écran. A la suite de ça, on va regarder avec ces jeunes la surface, comme le disait Mathilde, adéquat. Et pour ce faire, on a quand même défini quelque chose de pratico-pratique avec les membres du comité de travail qui étaient de 3 pas de côté de chaque côté et également 2 pas devant, ce qui permettait d’avoir entre 2 à 4 mètres carrés en fonction du jeune, de sa corpulence et de sa taille. Ensuite les fondamentaux sont les mêmes que pour les séances en présentiel, donc pour la séance qu’on a appelé ici « télé séance », il y a un échauffement, il y a un corps de séance et un retour au calme. Et je pense qu’il est important de rappeler que ça, ça appartient bien entendu à l’intervenant. On n’est pas là pour leur donner une recette en termes de pratique. Avant la mise en œuvre de cette séance, on a recommandé la réalisation d’un entretien, comme on l’a dit, comme l’a dit Mathilde au tout début, motivationnel et individuel. Mais celui ci va se faire en présentiel, et donc on rappelle bien que ce guide a pour vocation à proposer des séances en distanciel mais ça ne substitue pas la prise en charge en présentiel qui est quand même à privilégier. Ensuite les spécificités dans ce contexte de télé séance, ça va être le maintien de contact visuel, de son attention, à voir que ce jeune soit bien entendu dans un cadre tout en sécurité, on l’a dit à plusieurs reprises. Et en fin de séance et après la séance, d’établir son ressenti, sa motivation, les difficultés qu’il aurait pu rencontrer lors de cette séance, dans cet objectif d’alliance thérapeutique. Et enfin de planifier avec lui une nouvelle date de la prochaine séance afin qu’on puisse maintenir cette observance dans sa pratique. Et si on avait omis peut être quelques détails, on vous préconise pour cette partie là de vous référencer aux pages 15 et 16 du guide.
Mathilde Eche et Sébastien Le Garf tiennent à remercier le comité de relecteurs.